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Les partisans du Lyme chronique dénoncent une épidémie qu’on nous cache, un déni des pouvoirs publics, une catastrophe sanitaire. Elles dénoncent le manque de fiabilité des tests de dépistage mais les symptômes qu’ils attribuent à cette maladie sont partagés par une grande partie de la population ou entrent dans le cadre de pathologies très spécifiques : fatigue, faiblesse, douleurs, maux de tête, difficultés de concentration, de mémoire, paralysies. La validité des tests de dépistage de la maladie est contestée. Bref, ce n’est pas simple.

Là où cela se corse, c’est lorsque des figures médiatiques avancent qu’une proportion de cas de maladies chroniques, neurodégénératives ou auto-immunes seraient en lien avec Lyme (Parkinson, Alzheimer, Sclérose en Plaques, polyarthrite rhumatoïde, etc), et annoncent obtenir de très bons résultats chez certains avec des traitements anti-infectieux, et même des cas de guérisons. Il en est de même de l’autisme, une condition pourtant neurodéveloppementale.

Les sociétés savantes ne reconnaissent pas Lyme en tant que maladie chronique, mais comme une maladie ponctuelle facile à traiter avec un traitement court. L’explication est que les arguments d’associations telles que l’ILADS s’appuient sur des données scientifiques de faible qualité. En ce qui concernent les traitements réclamés par les associations de malades en France, ils n’ont à ma connaissance pas été évalués dans un cadre d’étude clinique.

Les risques encourus par les patients du fait de traitements lourds et prolongés ont été pointés du doigt, ainsi que le risque de passer à côté d’une autre pathologie. Selon une étude récente, neuf patients Lyme sur dix seraient en fait atteints d’une autre maladie. Cette situation pourrait entraîner une perte de chance pour eux. Les nombreux médicaments, prescrits pour Lyme sur des durées qui peuvent se compter en années, sont accompagnés de tout un cortège d’effets indésirables.

Les manifestations négatives sont très souvent interprétées comme bon signe, la réaction des bactéries qui meurent. Elles risquent aussi d’être mises à tort sur le compte de la progression inexorable de la maladie.

Ce fossé entre infectiologues et les militants associatifs ne concerne pas que la France. Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, les activistes mènent le même combat pour faire reconnaître Lyme comme maladie chronique. Même en Allemagne où des malades passent des tests non reconnus officiellement et se tournent vers des cliniques privées hors de prix qui proposent des approches alternatives.

Les associations mènent d’intenses campagnes de lobbying, lancent d’innombrables procès en justice et tentent d’obtenir le plus de soutiens politiques possibles.  Des grosses sommes d’argent peuvent être injectées par de richissimes philanthropes pour soutenir leur cause, comme ce milliardaire britannique qui compterait 15 malades de Lyme dans sa famille.

Des activistes aux idées radicales font parler d’eux. Il serait question selon eux de contamination non seulement par les tiques, mais par transfusion sanguine, via les moustiques, les araignées ou de la mère à l’enfant à la naissance. 90% de la population mondiale serait contaminée par Lyme, dont une proportion de porteurs sains. Le MMS, un faux remède dangereux à base de Javel mis en cause dans plusieurs décès est répertorié parmi les interventions recommandées sur un site. Ils mènent des actions coup de poing, par exemple en répandant du faux sang sur l’Institut de Transfusion Sanguine.

Qu’ils soient radicaux ou plus modérés, les acteurs du milieu associatif Lyme en France se démarquent du reste du monde par leur position choquante sur la question de l’autisme. Sur une multitude de sites Web consacrés à Lyme, l’autisme est abordé comme une pathologie due à Lyme ou autres infections cachées.  Les études qui ont largement réfuté cette piste sont ignorées. 100% des enfants autistes seraient concernés.  Les promesses font rêver : guérisons, améliorations spectaculaires, et juste 20% d’échecs.

J’ai listé quelques uns de ces sites ici, et mentionné quelques perles :

Désinformation sur l’autisme

Des parents se transforment du jour au lendemain en guerriers, se battant contre la maladie de leur enfant, prêts à tout pour éradiquer toutes ces bactéries si résistantes. Ils échangent dans le cadre de groupes Facebook secrets, des communautés très soudées, pour se remonter le moral face à la virulence des effets secondaires et des troubles de comportement causés par ces traitements abracadabrants qui bien sûr sont totalement dénués de fondement scientifique.

Des ordonnances longues comme le bras, cumulant plusieurs antibiotiques, antifongiques et antiparasitaires, affolant au passage des pharmaciens, ont été signalées aux Conseils de l’Ordre des Médecins et des poursuites ont été engagées. Qu’importe, prêts à tout essayer, les parents les plus instruits et cultivés peuvent se laisser happer par ce mouvement aux frontières de l’irrationnel. A quel prix ?


Pour explorer plus le sujet :

Un débat avec un médecin qui pense que l’autisme est lié avec la maladie de Lyme

Références

Suzanne Ruhlmann

Lanceuse d'alerte - Scandale Chronimed