Chronimed et autisme : les ombres de l’expérimentation

Un enfant autiste, sujet d’expérimentation sauvage : des antibiotiques étaient à l’étude dans le cadre d’un « protocole » non enregistré dans le registre officiel des essais cliniques. Une étude de cas a été publiée dans une revue médicale, Les Annales Médico-Psychologiques, une revue française de psychiatrie.
Elle est en accès libre ici : Maladie de Lyme, syndrome autistique et traitement antibiotique : une réflexion à partir d’un cas (2013 – à télécharger pour une meilleure lecture)
« Ses parents découvrent alors les reportages médiatisés dans lesquels des médecins spécialisés semblent mettre en lien la maladie de Lyme survenue à un âge précoce et l’apparition du syndrome autistique : un traitement antibiotique est à l’étude. A l’issue d’analyses biologiques positives, Pierre entre dans le protocole. »
P. Planche, M. Botbol
Le mystère plane sur la manière dont ces travaux ont été menés. Mis à part cette publication qui se focalise sur le cas d’un seul participant, les autres données restent confidentielles. Cela n’a pas empêché ces apprentis chercheurs de vanter leurs résultats extraordinaires de leurs travaux et des associations qui ont pignon sur rue de relayer leur « découverte ». Des milliers d’enfants autistes vulnérables ont bénéficié depuis de ce traitement made in France dans l’indifférence générale. Il s’agit de l’approche Chronimed, un groupe de médecins autour du professeur Luc Montagnier, prix Nobel 2008.
Silence radio sur les médicaments utilisés, sauf dans la dernière ligne du texte, dans la partie « Discussions », après la conclusion et les références. On peut supposer qu’il ne faut surtout pas trop attirer l’attention sur ce détail. Il est question de trois antibiotiques, l’azithromycine, le metronidazole et le Bactrim, mais rien ne nous assure que cette liste est complète. Ailleurs dans le texte (partie 4), il est question d’un antibiotique associé à un antifongique et à un antiparasitaire or les trois médicaments cités avant ne correspondent pas précisément à cette description.
Le flou règne autour des doses employées. Nous apprenons juste qu’il s’agit de doses majeures, au point que ce traitement est comparé à des chimiothérapies lourdes (p. 715).
En ce qui concerne la fréquence et la durée d’adminitration, plus d’informations sont dévoilées : c’est 20 jours de traitement par mois au moins à un moment donné et que la durée du traitement pour ce sujet en particulier a été d’un an.
Les critères d’évaluation retenus ici ne correspondent en aucun cas à des symtômes ou caractéristiques des troubles du spectre autistique.
Pour les tests cognitifs, un Wechsler a été fait avant, et les matrices de Raven après. Comment comparer si on n’utilise pas le même outil avant/après ? D’ailleurs, les autistes réussissent bien mieux le test des matrices selon les travaux d’un chercheur en autisme, le prof. Mottron.
Le résultat serait à rapprocher de la guérison des leucémies
page 715
Cette phrase vient comme un cheveu sur la soupe et contredit l’évaluation qui est faite, montrant des progrès bien plus modestes.
« Dans la littérature internationale, il est fait mention de la mise en place de protocoles semblables pour traiter de nombreux enfants. L’amélioration de l’état général de ces jeunes patients serait rapide dans plus de la moitié des cas et notamment chez les enfants les plus jeunes (moins de 7 ans). »
p 715
Il n’y a rien de tel dans la « littérature internationale ». L’on constatera l’absence totale de référence.
« Des travaux récents de plus en plus nombreux [1–3,8] suggèrent l’existence d’un lien entre la maladie de Lyme et le syndrome autistique »
p 712
Cette affirmation est totalement contraire au consensus scientifique
« D’autres incriminent … chutes, vaccinations, choc électrique » [pour l’apparition du syndrome autistique] p 712
Il s’agit bien entendu de fake news.
Selon Nicolson, 58% des patients avec autisme présenteraient une sérologie positive aux mycoplasmes
p 712
Ce chiffre avancé, outre le fait qu’il n’a jamais confirmée par une équipe indépendante, a été contredit par autre étude. L’auteur cité attribue toutes sortes de pathologies aux mycoplasmes des vaccins. Plus d’infos sur cet auteur antivax.
Des sources non pertinentes ou hors sujet sont listées.
Sur les 12 publications citées (p. 71) :
Pascale Planche est psychologue, enseignante-chercheuse. Elle est l’auteure, entre autres, d’un article sur l’éthique de la recherche et l’intégrité scientifique mais cautionne une expérimentation sauvage sur des enfants vulnérables.
Michel Botbol, psychiatre, auteur de nombreuses publications, s’intéresse entre autres à la psychanalyse et au syndrome de Munchhausen par procuration mais ne remet pas en cause un diagnostic aux contours flous d’infections bactériennes dont seraient victimes les enfants autistes, malgré l’absence de preuves en la matière.