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Pour une approche critique face aux annonces sensationnalistes

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Par Suzanne Ruhlmann

Nous sommes abreuvés d’annonces sensationnalistes dans le domaine des approches biomédicales de l’autisme. Il y aurait des avancées majeures, dont nous ignorons tout vu le retard de la France. Les réseaux sociaux nous donneraient les clés, dans des groupes fermés. Dans de nombreux cas, les promesses ne reposent sur aucun élément concret.

La barrière du jargon scientifique

Parfois, cependant, des études scientifiques sont citées. Il est facile d’être intimidé ou rebuté par la tâche de les parcourir. En cherchant un peu, on peut trouver des commentaires dans des forums de discussions ou des blogs scientifiques passant en revue ces revendications de façon très argumentée. Dans le cas contraire, on trouve en ligne des conseils simples permettant de repéter des indices qui doivent inciter à la prudence. Ils nous permettent de jeter un regard critique

Signaux d’alerte

  • Cette publication porte-t-elle vraiment sur le sujet dont il est question ?
  • S’agit-il d’une newsletters ou d’un article auto-publié vaguement formaté comme un article scientifique sans l’être ?
  • Est-ce un fichier PDF publié par une entreprise commerciale ?
  • La conclusion de la publication est-elle différentes des annonces publiques ?
  • S’agit-il d’une publication dans une revue « prédatrice » ? Une recherche Google nous renseignera rapidement.
  • La communauté scientifique rejette-t-elle les conclusions ?

Exemple

Une liste d’études citées pour justifier l’approche Chronimed de l’autisme par un médecin sympathisant de cette mouvance sur Twitter qui sont totalement hors sujet

Extrapolations

  • L’étude porte-t-elle sur un nombre insuffisant de sujets par rapport aux annonces qui ont été faites ?
  • L’étude a-t-elle été menée sans groupe contrôle ?
  • L’auteur dénigre-t-il la méthode scientifique, les études randomisée et contre placebo ?
  • L‘effet obtenu tel qu’observé dans l’étude est-il presque imperceptible, contrastant avec les revendications annoncées par ailleurs ?
  • Note-on un manque de recul dans le temps ne permettant pas tirer les conclusions qui ont été faites ?
  • S’agit-t-il d’une observation isolée ou très ancienne jamais corroborée depuis, jamais répliquée par une équipe indépendante ?
  • Des conclusions totalement prématurées sont-elles tirées d’une étude in vitro ou sur l’animal ?

Biais

  • L’évaluation s’appuie-t-elle sur des témoignages subjectifs ou critières facilement biaisés, par ex vidéos, déclarations de parents ?
  • A-t-on testé plusieurs interventions simultanément, rendant l’attribution d’un bénéfice à l’une d’elle impossible à déterminer ?
  • Peut-il y avoir confusion entre corrélation et causalité ?
  • A-t-on passé sous silence un conflit d’intérêt ?
  • Certains types d’études sont plus à risque de biais

Quelques pistes pour prendre du recul

  • En science, il y a des études préliminaires qui sont indispensables pour défricher le terrain avant d’aborder les étapes suivantes. Ces études se font sur la souris, ou sur un petit nombre de sujets, sans groupe de contrôle. Il ne faut pas les dénigrer, mais les prendre pour ce qu’elles sont et ne pas tirer de conclusions prématurées.
  • Pour établir une vérité scientifique, on ne se base pas sur une étude unique. Il y a un long parcours pour aboutir à un consensus
  • Il existe de nombreux cas d’études biaisées, mais aussi de fraude scientifique

Les annonces sensationnalistes

Si des études sur l’autisme sont régulièrement relayées comme s’il s’agissait de découvertes sensationnelles ou vérités absolues pour tomber ensuite dans l’oubli, il s’agit souvent d’études préliminaires qui explorent de nouvelles voies mais ne seront jamais confirmées. Cela fait partie du parcours habituel de la démarche scientifique qui est longue et complexe.. Pour remettre ces publications en perspective, il faut garder à l’esprit qu’en moyenne 1800 articles scientifiques sur l’autisme sont publiés chaque année. Il est de ce fait indispensable de prendre du recul.

On pourrait citer, à titre d’exemple, une annonce dans la presse concernant le Bumétanide sur Ouest France, « Il est co-découvreur d’un traitement contre l’autisme ». 9 années plus tard, voici le constat relayé par le Quotidien du médecin : « Arrêt des essais… faute d’efficacité ».

Le développement de médicaments est long et complexe

Sur 100000 molécules intéressantes, des tests sont effectués sur 10000 d’entre elles. 10 candidats médicaments seront retenus, pour n’avoir finalement qu’un seul médicament sur le marché

De la découverte de la molécule à la mise sur le marché, le processus peut durer plus de 10 ans

Source avec infographie

Les Entreprises du Médicament (LEEM), Pourquoi est-ce si long et difficile de mettre au point un médicament ?

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